Tempète de sable en Chine

Par Marie Favre

Tempête de sable sur Pékin

C’était en Mars 2000.

Le jour semblait ne pas devoir se lever

On devinait à peine les gens et les voitures .Comme dans une carte postale, la brume cotonneuse était si dense que les réverbères étaient entourés d’un manchon de lumière diffuse en halo .

Serait-ce la pluie, si rare à Pékin en cette saison ?Le ciel était , en début de journée, noir et bas. Les lampes des maisons étaient toutes allumées en plein jour. Une impression de fin de monde ou de cataclysme.


Je devais absolument sortir.

Le vent m’empêchait d’avancer, me tirait en arrière :Je marchais voûtée, luttant contre le vent, les cheveux en bataille et les pans du manteau s’envolaient. Mais bientôt j’eus comme un goût de grains de sable dans la bouche, râpeux et desséchants, puis je sentis qu’elle était remplie de ces grains et tenter de les recracher ne changeait rien .Le vent me piquait, me griffait les joues, non par sa froideur, mais par les milliers de particules qu’il transportait.

Peu à peu je dus cligner terriblement des yeux , battre des paupières pour continuer à tenter de voir, malgré ce sable qui m’entrait jusque dans les yeux qui pleuraient sous l’irritation. Mais je sentais qu’il pénétrait aussi dans le cou et par tous les interstices où il pouvait se glisser, Je fis rapidement demi-tour, rentrais chez moi et pris une douche :la quantité de sable abandonné dans la baignoire était effrayante, comme si j’avais été roulée par une énorme vague .

Je restais derrière les fenêtres, dans mon appartement situé au 9 ème étage à observer ce qui me semblait être une féerie, une vision, un songe :

Je résidais, à quelques encablures de la place Tian An Men, le long de l’avenue Chang’An, très long boulevard qui traverse, en changeant à plusieurs reprises de nom, Pékin d’Est en Ouest, D’ordinaire j’arrivais à avoir une immense perspective, du You Yi shandian, du magasin de l’amitié, jusqu’à la tour Anderson et même un peu plus loin, en direction de la célèbre place.


Mais , à ce moment là, l’aire était bien réduite. Peu à peu disparurent les voitures sur le boulevard, les immeubles de l’autre côté de l’avenue , comme recouvertes par la force du vent et enveloppées dans un drap de gaze jaune, dangereux puisque leur ôtant toute visibilité. La ville entière , où que l’on posât son regard, était voilée derrière un épais rideau jaune.

Pékin, ville jaune-orange, de la couleur d’un coucher de soleil flamboyant, comme rendu mâte et quelque peu bruni par le sable charrié. Le vent jaune soufflait, transformait la ville en un mirage fantasmagorique. Parfois le rideau, sans se déchirer, se fait plus fin :on entraperçoit des ombres humaines passer, disparaître, se préciser et se fondre ou se dissoudre dans la poussière.



Certes j’avais déjà connu certains vents de sable pékinois. Vents poussiéreux, gris, qui vous revêtent d’une gaze de poussière, vous aveugle, vous démange et vous nourrit en dépit de votre bouche fermée ou vous aveugle et vous pique les yeux derrière les lunettes.. On étouffe , ne pouvant respirer, l’air vous oppressant , comme lors d’une apnée mal contrôlée.

Profitant des éclaircies, on se réfugie en courant vers un abri quelconque, en se secouant, tout en reprenant haleine. Si on est alors en vélo, on est obligé de descendre car on ne garde pas du tout l’équilibre. Le vent est si puissant qu’il contraint presque à faire du sur-place, ou pire vous tire en arrière

.Le temps aidant, je faisais comme les chinoises et m’entourais la tête et le visage d’une mousseline nouée autour du cou, transformée en cagoule totale derrière laquelle je tentais de protéger mon nez, mes yeux et mes oreilles de ce sable poussiéreux et envahissant car sa finesse extrême peut, évidemment , attaquer le système respiratoire. La tempête passée, on se secouait pour faire tomber la poussière et on tentait de remonter à vélo .

Les rafales de sable , sans être brèves, ne duraient pas longtemps. Même l’intérieur des maisons n’échappe pas à ces bourrasques car le sable s’engouffre par les moindres interstices des fenêtres ou des portes et toutes les pièces se recouvrent , elles aussi, d’une pellicule de sable .

Mais ce jour là, l’obscure lumière jaune recouvra la ville presque toute la journée. Le vent de Sibérie et de Mongolie, de moins en moins arrêté par les forêts coupées , ravage Pékin et montre que le désert est bien à ses portes. On garde l’impression d’une vision d’un autre monde.

La dernière tempête violente de sable jaune soufflée par le vent de Mongolie a eu lieu entre le mi-Mars2002. Elle abandonna quelques 26.0000tonnes de sable et de poussière sur Pékin ! Elle fut, aux dires des experts chargés des études des tempêtes de sable, encore plus violente.

En Mongolie intérieure la visibilité était réduite à moins d’un mètre. Et de reconnaître qu’il n’y a nul moyen de diminuer ou de stopper ,dans l’avenir, de telles tempêtes, sinon de reconsidérer les pratiques industrielles des régions du Nord qui les favorisent et de planter encore plus d’arbres.


Déjà, depuis quelques années on a créée « une ceinture verte » autour de la Capitale, avec la participation d’ailleurs de Voskwagen, , ceinture qu’on veut épaissir pour rendre Pékin « ville verte » en 2008. A Pékin, rien n’était visible à moins de 100 mètres. Même le palais du peuple était noyé dans la poussière, tout comme l’immense portait de Mao, aux dimensions pourtant colossales


Marie Favre