croiser des chinois

Par Marie Favre


Vivre en Chine est une riche expérience humaine, mais elle demande un énorme investissement de la personne. Celle qui ne veut pas le faire va transformer Bei Jing en lieux de bonnes affaires pas chères. Mais en fait elle le ferait comme partout ailleurs. Seuls les faits les plus marquants, et souvent les plus choquants ,pour elle, et/ou les plus sordides et comiques seront épinglés.

Il est vrai que si l’amitié entre les peuples a été prôné dans l’empire du Milieu depuis l’ouverture, il a fallu apprendre ou réapprendre l’amitié d’individu à individu.



Il y a quelques 20 ans ,les étrangers vivaient parqués dans des compounds gardés quasi militairement, qui subsistent toujours et où les diplomates, en règle générale, vivent encore. Un chinois ou quelqu’un ayant les traits chinois, ne peut y accéder sans être accompagné de son mentor étranger.

Sinon ,il doit montrer patte blanche en mettant sous le nez des cerbères un passeport étranger. Mais actuellement, vu le flot ininterrompu d’étrangers qui arrivent, on a construit beaucoup de nouvelles résidences ,séries de maisons à l’européenne, avec jardin individuel et collectif, équipement sportif digne des meilleurs clubs de fitness, vers l’aéroport .

On peut même aller jusqu’à évoquer le club med !Alors comme les enfants sont heureux, les mamans poussent de moins en moins leur périple vers le cœur de Bei Jing.Nouvelle forme de ghetto !

En règle générale, les épouses ne peuvent actuellement travailler quand le mari est en poste. Le problème est donc , pour elles, d’avoir des contacts avec les chinois, autre que celui de l’Ai Yi, l’aide domestique, à qui on donne le nom de tante maternelle, du Shu fu, du chauffeur pour les privilégiées qui en ont un, et qui parfois parlent un français tout à fait remarquable ou témoignent d’une culture assez extraordinaire pour un simple chauffeur, les taxis, si nombreux qu’on a à peine le temps de lever la main qu’il y en a un qui s’arrête aussitôt.


Première nécessité :avoir des rudiments de chinois pour ne plus vivre sous cloche, comme une sourde et une muette. Sans un chinois de base, impossible de faire ses courses, de marchander, de se déplacer. Parfois certaines se piquent au jeu et ne font que cela.

On recherche des amies d’origine chinoise qui ouvrent aussi sur le monde environnant, mais souvent, comme leurs familles avaient quitté la chine vers 49, elles vivent elles mêmes leur découverte de leur pays d’origine avec appréhension et parfois réticence. Les couples mixtes ont aussi beaucoup de succès ,surtout ceux qui ont toujours, ou quasiment toujours , résidé en chine.

De plus, ils habitent , en règle générale, dans les vieux quartiers Seheyuan, les maisons à cour carrée dont sont friands les francophones particulièrement, mais que peu peuvent actuellement louées car les prix sont quasiment inabordables. Alors on se prend d’amitié avec son prof de chinois, son prof de calligraphie, de Tai Qi, mais cela ne va pas toujours loin, car la langue demeure un obstacle ,même si bon nombre parlent anglais.



Comment faire pour arrêter de croiser des chinois ? pour sortir du ghetto d ‘expat ?Prendre la recette de Montaigne :se jeter sur les tables d’étrangers !prendre le métro, le bus, aller dans les parcs regarder les gens faire leur gym, il y en aura toujours un qui vous parlera, trouver les adresses de médecins de médecine chinoise,

les masseurs aveugles, le médecin par plante, celui qui vous ausculte en regardant les lignes de votre main. Au restaurant, oser aller vers votre voisin et lui demander de vous aider à composer votre menu .En plus quand vous étés accompagnée d’une enfant blonde, cela marche fort. Ils veulent tous faire une photo avec elle et la conversation s’engage.



Une autre possibilité est de constituer des groupes de découverte, soit de la ville, par des randonnées avec un professeur francophone, soit en travaillant sur le monde chinois en amateur, en créant des lieux de rencontres conviviaux pour instaurer des conférences sur le monde chinois pour les francophones,

(qui sont de tous les pays, japon, brésil, Mexique, sans compter l’Europe dans son ensemble) .Là, les rencontres de personnes chinoises cultivées, francophones sont très riches. Parfois, on peut faire du bénévolat qui insère dans le milieu chinois francophone ,curieux, ouvert.



Mais l’essentiel est de trouver les clés qui ouvriront les serrures d’un monde qui vous est d’abord fermé. La Chine ne se livre pas, tout est codé.C’est alors un plaisir intellectuel de décoder progressivement l’univers qui vous entoure. véritable jeu de patience et puzzle.

Tout devient prétexte à tenter d’être un tout petit peu moins ignare, les grillons, le cerfs-volants, les temples bouddhistes ou taoïstes, le QI Gong, les venelles, la peinture ou la céramique. On se rend compte que tout est allusif, détours, non dit, silence plus riche qu’un flot de paroles.

Marie Favre